Haïti-insécurité: les chauffeurs de Carrefour étranglés par les postes de péages des gangs
À Carrefour, le chaos ne connaît pas de répit. À peine sortie d’une paralysie de deux jours imposée par le chef de gang Krisla, la commune replonge dans l’immobilisme. Depuis le lundi 5 mai, les chauffeurs de transport public reliant Carrefour au centre-ville de Port-au-Prince ont cessé le travail. Ce mouvement de grève, toujours en cours ce mardi 6 mai, fait suite à l’installation d’un sixième poste de péage illégal rue Cameau, mis en place par les gangs de Village-de-Dieu.
Ce nouveau point d’extorsion porte à six le nombre de groupes armés imposant leur « droit de passage » sur cet axe stratégique. Pour chaque aller-retour, un chauffeur doit désormais débourser jusqu’à 7000 gourdes, une somme insoutenable dans un pays où l’inflation ne cesse de ronger le pouvoir d’achat.
« On ne peut plus travailler dans ces conditions. Ce n’est plus du transport, c’est de la survie », déplore un chauffeur, visiblement à bout. Entre Fontamara, Martissant, les avenues Bolosse, la ruelle Alerte et désormais Cameau, chaque mètre de bitume est devenu une taxe illégitime, prélevée sous la menace.
Face à cette réalité, les chauffeurs n’ont d’autre choix que d’envisager une hausse du tarif traditionnel, passant de 100 à 150 gourdes la course. Une décision amère, qui pourrait creuser encore davantage le fossé entre transporteurs et passagers, ces derniers peinant déjà à joindre les deux bouts.
Cette crise du transport illustre une situation plus large : celle d’un État absent, d’un territoire morcelé par les gangs, et d’une population abandonnée à elle-même. En attendant une réponse concrète des autorités, si elle vient un jour, Carrefour continue de suffoquer, otage d’un système mafieux devenu la norme.
Judelor Louis Charles